Les origines
CHOPARD (Choppard, Chopart, Choppart) – 1330 à Villers-le-Lac; 1415 à Grand’Combe-Châteleu avec Perrin Chopard venu du village des Brenets qui faisait alors partie de la seigneurie de Morteau. Les Chopard sont déjà sur les côtes de Chaillexon, à Villers-le-Lac, dès 1330 avec celui qui semble bien être leur ancêtre, « l’eschopart », qui à cette époque tenait une échoppe. Ils deviennent vite si nombreux que les surnoms vont se multiplier. En 1549, Guillaume Chopart, de Chez Alisson (actuellement Chaillexon), fait l’objet d’un des rares procès dont les minutes nous soient parvenues; il est accusé d’avoir incendié une maison, il prétend que c’est sur ordre du prieur qui voulait faire disparaître des papiers, mais rien n’y fait, le malheureux finira pendu au gibet de Dole. Maître Antoine Landry, Morteau, tabellion général, lieutenant de justice, âgé de 56 ans, témoigne en 1611 lors d’un procès, que « les Chopard du quartier du Lac sont tous parents et issus d’une même famille, tellement s’ayment que qui fait desplaisir à l’un le fait à tous ».
Généalogie
Faits-divers
En 1549 une maison est incendiée dans le Val de Morteau. Un habitant du Quartier du Lac, Guillaume Chopart, de Chez Allisson (Chaillexon), est rapidement arrêté et emprisonné à Morteau. Il est accusé d’avoir, avec un habitant des Brenets nommé Jacques Gelin, mis le feu à la maison de Guillaume Py, de Malpas. La procédure suit son cours, mais coup de théâtre, l’accusé s’évade ; repris dans la seigneurie de Vaumarcus, dépendant du comté de Neuchâtel, après l’intervention du parlement de Dole, il retrouve la prison de Morteau, puis successivement celles, Pontarlier et enfin Dole. Mais ce qui semblait n’être qu’une affaire de droit commun devient rapidement une affaire d’Etat, quand l’accusé met en cause le prieur commendataire du prieuré de Morteau, François de Viry, seigneur de la terre de Morteau, qui l’aurait payé pour mettre le feu, voulant faire disparaître des papiers.
Cet épisode de l’histoire du Val de Morteau n’est pas inconnu des historiens, Truchis de Varennes dans son Histoire du prieuré de Morteau, en a fait le résumé, sans en avoir trouvé l’épilogue, découvert dans les archives du parlement de Dole. Les archives qui nous sont restées méritent une étude détaillée, d’une part elles nous éclairent sur des aspects de la vie quotidienne au milieu du seizième siècle, d’autres part, elles sont un des rares témoignages qui nous soit resté d’une enquête judiciaire à cette époque. En effet, à Morteau il ne reste rien de la justice seigneuriale d’avant la Guerre de Dix Ans, à Pontarlier les archives de la justice du Bailliage ont elles aussi disparu, ne restent que les archives du Parlement de Dole, or si ces dernières sont très riches avec des dizaines de registres d’appointements ou d’arrêts, les minutes d’enquêtes du seizième siècle ont hélas pour la plupart disparu.
L’interrogatoire de Guillaume Choppart va nous permettre de faire connaissance avec le personnage principal. Nous sommes le 26 juin 1550 à la prison de Pontarlier.
Interrogé sur son nom et son âge, il répond « qu’il a nom Guillaume Choppard, natifz du village de Chieux Allisson, au Vaulx et seigneurie dudit Mortault, aagé d’environ vingt neufz ans, de mestier de laboureur de terre, sans savoir aultre mestier particulier, homme marié et ayant de sa femme quatre enffans, deux filz et deulx filles ».
On l’interroge ensuite sur son premier emprisonnement :
« que à ung jour de jeudy après la saint Michiel passé, environ les unze heures du soir, luy estant couché en son lict… ».
On le fit s’habiller et il fut conduit à La Grand Ville (Morteau) en la maison de Henry Musy et le lendemain on le mena en la prison « du Mitan », il fut mis aux fers « enferré par les deux jambes et un quart d’heure après, Jehan Musy, procureur du seigneur de Morteau en la justice du lieu, Guillaume Murgey, le scribe, et d’autres officiers l’emmenèrent dans une autre prison appelée « la murtriere » et « à raison desdits fers fut pourté par Anthoine Convers alias Brelant sur son col ».
Par plusieurs fois, tant Jehan Musy, procureur, Guillaume Murgey, scribe, Antoine Musy fils dudit Jehan Musy, tabellion, Estienne Lescot, lui dirent les paroles suivantes « appelé ! ».
Il fut examiné par messire Henry Saulget, docteur es droit, lieutenant pour le seigneur de Moteau, et par plusieurs fois on lui demanda « d’appeler », ce qu’il refusa de faire. Etienne Lescot lui dit alors à l’oreille à voix basse « appelle s’en tes frères le te mandent » et l’accusé pensant que c’était vrai en appela. Il fut donc conduit au château de Vennes où il resta en prison au fond d’une tour jusqu’au vendredi après Noël, soit environ dix semaines. Les officiers de Vennes déclarèrent qu’il avait mal appelé et le renvoyèrent à Morteau où il fut mis dans la chambre appelée « la chambre sur la place », gardé par Antoine Convers, Jacques Vauthier et un autre sergent. Il y resta environ un mois et fut interrogé quatre ou cinq fois.
Un jour survint le seigneur de Morteau accompagné d’un gentilhomme nommé Mathar, son maître d’hôtel, un autre nommé Sully, du Pays de Savoie et avec eux la mère du sieur de Morteau et ses deux sœurs. Avant de sortir, le sieur de Morteau, prit sous le lit des gardes des fers servant à enferrer les mains et les posa sur la fenêtre à portée de sa main. Après son départ, il prit ces fers et s’en servit pour desserrer les fers de ses jambes. Dans la nuit il put les enlever et trouva la porte de la chambre ouverte, de même il trouva ouverte la grande porte sur la place, alors il partit vers son village de Chez Allisson et de là à Vaumarcus en un village appelé Gourg. Arriva Antoine Musy qui le fit mettre en prison au château de Vaumarcus où il resta douze jours et fut interrogé puis fut transporté à Neuchâtel.
Sollicitation par Pierre Bergeon et Guillaume Michiel de brûler la maison de Guillaume Pic, à Malpas, moyennant vingt francs.
Il y a un an, le seigneur de Morteau le fit entrer dans une chambre du prieuré, un matin vers les huit heures et lui promit cent écus pour bruler la maison de Guillaume Py. Il refusa et encore deux ou trois autres fois. Environ la Madeleine, en la maison de Claude Bouldot, de la Grand Ville. Six jours plus tard il rencontra Jacques Gelin qui lui dit qu’il avait marchandé le feu en ladite maison.
Le jour de mercredi, en une maison appellée le Rondot, taverne et hotellerie, ils burent ensemble « ung chacun d’eulx son escot et après sopper allarent aulx velles en la chambre des filles qu’ilz tilloyent chenevey et brulaient les déchets dans un feu ».
Gelin pris un « chevanton »[1] dans le feu et s’en allèrent à la maison de Guillaume Py ou Gelin mit le feu dans la paille.
Avant de mettre en cause le prieur, comme commenditaire de l’incendie, Guillaume Choppart avait aussi accusé Bergeon et Michiel.
Le 4 janvier 1549 (ancien style donc 1550 nouveau style), se tiennent à Morteau des journées extraordinaires de justice sous l’autorité de Girard Landry, lieutenant pour messire François de Viry, prieur commendataire du prieuré de Morteau. Pierrot Bergeon, maréchal, fils de feu Henryot Bergeon et Guilamme Michiel, des Bassots, demandent à faire paraître leurs témoins à décharge dans le procès où ils sont accusés par le procureur de la justice Jehan Musy.
Le lendemain 5 janvier, les témoins comparaissent.
Le premier témoin, Guillaume Pic, de Malpas, fis de feu Perrin Pic, âgé de vingt-deux ans, n’est autre que le propriétaire de la maison incendiée : « a connu Guillammot Choppart dit Mitonnet, que l’on dit estre détenu prisonnier présentement es prisons de monseigneur pour avoir comme tient et croit ledit déposant brullez la maison d’icelluy déposant quatre mois ença, estant lors sise au quartier du Lac, ou lieu dit ou Maulpas, lequel Guillamot Choppart il a toujours ouyt tenir et deputez par ses voisins estre homme de légiere conscience, habandonné à tous vices et à despendre ses biens aux tavernes et ouyr tenir propos à Jacques filz Regnault Gelin, du villaige des Brenetz, qu’il, ledit Guillamot Choppart avoit pris à force la bource de Guillame Du Biez, du Vaultravers … ; a bonne cougnoissance de Guillame Michiel le viez et Pierrot Bergeon, mareschal, lequelz il a toujours tenuz par cy devant estre extraictz et yssuz de bons et honnestes parens, gens de biens selon leurs estatz ».
Le deuxième témoin, Jehantot fils de Perrin Pic, de Chieux le Pic, demeurant au village des Bassots, est âgé de quarante ans :
« lequel Guillammot Choppart, ledit déposant a veu par cy devant avoir du bien et chevaux assez compectamment ». Le témoin complète en disant qu’il pense, que Guillaumot Choppart est devenu pauvre récemment en dépensant son bien dans les tavernes. Le témoin nous apprend par ailleurs que Guillammot Choppart avait un frère pénommé Jehantot et qu’il était cousin germain du premier témoin.
Le troisième témoin est Estevenin Symonnin, des Bassots, âgé de cinquante ans, pense que c’est par malice que Bergeon et Michiel ont été accusés par Guillammot Choppart.
Girard Reulle, fils de feu Guillame Reulle, du Villard (Le Villers) quatrième témoin, est âgé de cinquante ans a eu une querelle avec Guillamot Choppart, qui l’avait agressé en l’hostel (la maison) de Nicolas Musy, à La Grandville et c’est Huguenin Choppart, frère de Guillamot, qui prit sa défense et le « print en assurement ». En revenant par la Combe au Bournot, il reçut un coup de pierre à la tête et fut « énormément blessé » et ne put faire autre chose « que s’en aller bander et prendre médecine vers Henry Joly au lieu dudit Villard ». Henry Joly l’ayant interrogé sur l’auteur, il lui répondit que ce ne pouvait être personne d’autre que Guillaumot Choppart.
Le cinquième témoin, honorable homme Jaques Dordoz, marchand à la Grand Ville est âgé de cinquante ans. Il a souvent vu Guillammot Choppart boire et manger en sa taverne « estoit coustumier avoir noise et debatz contre plusieurs usant de menasses et de forces ».
Guillaume Voullot, du Prelz de Noz, dit Souvis, sixième témoin, est âgé lui aussi de cinquante ans. Il a lui même été abusé par Guillammot Choppart, huit ans plus tôt, qui l’avait requis pour caution de la somme de neuf écus envers Claude Hugueniot, du Russey. Il le vit aussi l’année passée avoir une querrelle en l’hôtel de Nicolas Musy à l’encontre de Estevenin Girardots dit la Raicle.
Le 11 janvier l’enquête se poursuit avec de nouveaux témoins en « l’hostel » de Jacques Dordoz, de la Grandville.
Le septième témoin, Othenin Barbe, du Locle, demeure Chieux le Pic (Chez le Pic) dans une maisons qu’il a acquise de Pierrot Bergeon, est âgé de vingt-huit ans.
Huitième témoin, Othenin Calame fils de Jacques Calame, du Locle âgé de trente ans. Il a souvent vu Guillammot Choppart au Locle, dans sa maison où il « tient communément vendition de vin », où il mangeait et buvait sans la plupart du temps payer sa dépense, il lui doit d’ailleurs encore dix gros monnaie de Bourgogne. Il se souvient « à ung jour de foire que l’on appelle coustal audit Locle, qu’est envyron la feste saincte croix de septembre ordinairement chascun an et fut banquestez en l’ostel dudit déposant avec Pierrot Bergeon dudit Mortau et aultres que despendirent chascun d’eulx deux solz de roy ou quatre solz de Fribourg et après […] ledit Guillammot Choppart dit audit Pierrot Berjon qu’il deust payer illec son escot, ce que reffusa ledit Bergeon faire » sur quoi Chopard devint très menaçant.
Le neuvième témoin, Jehannette femme du précédent témoin, âgée de trente ans, confirme les dires de son mari.
Dixième témoin, honorable Estevenin Girardot dit Raicle, âgé de cinquante ans.
Onzième témoin, Estevenin Symonnin.
C’est sans doute le lieutenant de bailliage de Pontarlier qui condamne Guillaume Choppart à la peine capitale, peine dont il fait appel au parlement de Dole qui conclut très vite. On lit en effet dans registre des arrêts de l’année 1550 à la date du 24 juillet :
« La cour condamne ledit Choppart pour le cas susdit à estre ce jourd’huy par l’exécuteur de la haulte justice mené et conduit sur le tartre de ce lieu et illec pendu et estranglé tellement que mort s’ensuyve, ordonnant aux officiers dudit Mortaul parchever diligemment la procédure commencée contre Pierrot Bergeon et Guillame Michiel le vieux et procéder à la décision d’icelle sans dissimulation ou faveur de personne quelconque ».[2]
[1] Tison.
[2] A.D.D. 2B2416, fol° 176.