BARILLET


BARILLET ou BARRILLET – Fin du XVe s. à Bannans puis Pontarlier, avec une origine à Orgelet. Anoblis en 1445 par Philippe le Bon, plusieurs membres de la famille occupèrent de hautes fonctions dans la magistrature, ce qui n’empêcha pas deux membres de la famille d’être exécutés pour haute trahison respectivement en 1512 (Guillemin Barillet prit la tête d’un complot pour livrer le château de Joux aux Suisses), puis 1643. On trouve à Chazot, vers 1600, un Barillet, sieur des Étangs, dont le dernier représentant s’illustra tragiquement lui aussi et fut exécuté à la fin du XVIIe siècle pour avoir « comploté » contre les Français.1


La tragique histoire de Guillemin Barillet

Demesmay a trouvé une ascendance du côté d’Orgelet pour les Barrillet de Pontarlier. Il aurait été trop simple d’en chercher les origines tout près de Pontarlier, aux Verrières par exemple, où le patronyme est déjà commun au XVème siècle.

Le 15 juillet 1512 Guillemin Barrillet, de Pontarlier, est décapité au château de Joux et son corps partagé en quatre quartiers qui seront exposés aux quatre coins de la seigneurie pour l’édification du peuple. Il avait comploté pour livrer le château aux ennemis de la Comté, anciens propriétaires de la forteresse ; ces faits sont bien connus et ont été relatés par les historiens successifs de Pontarlier.

Trois semaines avant l’exécution, le 23 juin à deux heures de l’après-midi, alors que Barrillet est détenu dans les prisons du château de Joux, les officiers procèdent à l’inventaire de ses biens saisis au profit du domaine. Son fils Guillaume assiste à l’inventaire en présence de sa femme Gauthière Jacquemet.[1]

C’est l’occasion de visiter quelques pièces de « l’hôtel »[2] d’un riche bourgeois de la ville.

Le compteur

La première pièce visitée est le « compteur » situé près du « poele », c’est la pièce ou sont rangés les livres de comptes et où se font les paiements. On y trouve entre autres les livres de comptes de la seigneurie de Joux dont Guillaume Barrillet était déjà receveur en 1487 pour le comte de Neuchâtel, alors seigneur de Joux, ainsi que les manuels de ses revenus personnels.

L’ensemble des papiers est mis dans un grand sac, laissé dans la pièce à la garde du fils Barrillet.

Le poele[3]

Un grand « archebanc »[4] vendu 3 francs à Pierre Barrillet ; un deuxième « archebanc » contient sept « linceux »[5] de grosse toile, sept nappes et dix serviettes et plusieurs chemises ; un troisième « archebanc » contient quelques menus draps, six « linceux » et trois « touailles »[6] ; un banc à « dolciel »[7] à trois coffres ; une table de « plane »[8] avec ses tréteaux garnie d’un tapis vert rouge et jaune (vendu le tout dix gr.) ; une autre table à pied de noyer laquelle s’ouvre des deux côtés ; un buffet de chêne ferré garni de trois serrures dans lequel il n’y a que des bagues et « patenôtres »[9] appartenant à ladite Gauthière (2 fr.) ; dans une petite « dépense »[10] près du buffet, cinq pots de cuivre tant gros que petits ; un « aigueret »[11] à laver les mains appartenant à ladite Gauthière ; une pêle friture, une « pinte » et un « chauveau »[12] d’étain ; deux « symases »[13] d’étain, un chandelier de cuivre, une petite pellette d’airain, quatre écuelles d’étain à oreilles, deux grands plats d’étain, six moyens et un demi plat, sept écuelles d’étain plates, un broc d’étain, un « chaveal »[14] d’étain à mesurer l’huile, un « livral »[15] à peser jusqu’à cinquante livres.

Cuisine basse

Deux pots de cuivre, trois chaudrons, une pelle friture, deux « quassetes », une grille, un « pouchon » de cuivre, une paire d’andiers, un « cremacle »[16] ; une table de sapin et des escabelles.

Chambre haute

Un buffet de chêne sans serrures à deux « enchartres »[17] ; une table de « plane », deux tréteaux de chêne, un banc tourné, une « chaire » de chêne, un « champlit »[18] de lit, et un autre de couchette, sur lequel est une petite couchette de plume sans coussin et sans couverte ; un grand coffre de chêne sans serrure ; deux andiers de fer.

L’inventaire se poursuit avec les chambres basses, la cave et la grange où l’on trouve deux vaches et quatre juments. 

Le 16 juillet, lendemain de l’exécution de Guillemin Barrillet, les officiers ouvrent le sac resté dans le « compteur » et procèdent à l’inventaire des titres. 

Les titres

Les livres de compte montrent comme Guillemin Barrillet avait acquis des « meix »[19] dans la campagne environnante, il percevait les censes des accensements, il louait le bétail à ses fermiers sous forme de « « bail à chastel ». Un livre de plus de cent feuillets donne le détail des censes et du bétail donné en « bail à chastel », comme par exemple à Pierre Devillers, de Pontarlier qui tient dudit Guillemin « deux genisses plaines de leurs premiers veaulx avec encoures quatre jeusnes veaulx le tout a chastel de douze francs ».[20]

Épilogue

Le 19 mai 1514 les immeubles de Guillemin Barrillet sont vendus aux enchères, et c’est son fils, Guillemin Barrillet le jeune, qui achète pour 569 fr. la maison de Pontarlier. Il achète aussi pour 400 fr. la part de grange de Furry, dont cinq parties sur huit appartiennent à Jehanette sa mère et Gauthière sa femme ainsi que différents autres immeubles.

Mais il apparaît par un acte du bailliage de Pontarlier du 16 juillet 1522, que Guillemin Barrillet le jeune a quitté la province depuis plusieurs années, banni pour des crimes dont on ne connaît pas le détail et qu’il n’a jamais payé l’achat des biens de son père. Sa veuve, conseillée par Jehan d’Argilly, son oncle, licencié es droits, traite avec le bailliage, et abandonne toutes les prétentions qu’elle pourrait avoir sur les biens et rentes, en échange de la maison de grande rue de Pontarlier, qu’elle conservera en toute propriété.

Si sa trahison n’avait pas arrêté momentanément l’ascension de la famille, nul doute que quelques années plus tard l’anoblissement aurait suivi.

Un autre Barillet traître à sa patrie 

Un autre membre de la famille, Poncet Barrillet, seigneur de Bannans, fut en 1643 convaincu de félonie, et vit à son tour ses biens confisqués. Il était petit-fils d’un marchand de Pontarlier, et fils de Nicolas Barrillet, anobli par sa charge de conseiller maître à la Cour des comptes de Dole.


[1] ADD. 1B2617.

[2] Maison d’habitation, et le « chef d’hôtel » est le chef de famille.

[3] Pièce chauffée attenant à la cuisine, terme encore utilisé récemment dans le Haut-Doubs dans le sens de salle-à-manger.

[4] Coffre servant de banc.

[5] Drap ; à ne pas confondre avec l’usage moderne restreint au drap des morts.

[6] Linge.

[7] Tenture formant dossier.

[8] Frêne, terme encore utilisé actuellement.

[9] Chapelets.

[10] Garde-manger ou placard.

[11] Petite aiguière.

[12] Pinte et chauveau sont les récipients servant à mesurer les liquides.

[13] Pot muni d’anses et de couvercle.

[14] Chaveal, archaïque deviendra vite « chauveau ». 

[15] Balance.

[16] Crémaillère.

[17] Compartiment.

[18] Bois de lit.

[19] Le meix est constitué d’une ferme avec les terrains l’entourant, souvant une tentaine de journaux.

[20] Voir le tome 1 où l’on explique les baux à « chastel ».


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  1. Christian Monneret. Histoire des noms de famille du Haut-Doubs. ↩︎